Il faudra bien plus que du béton et des machines pour fabriquer des iPhones aux États-Unis. CNBC s’est récemment entretenu avec Dejian Zeng, un jeune diplômé de la NYU’s Wagner School of Public Service, qui a passé l’été dernier à fabriquer des iPhones chez Pegatron, l’un des fournisseurs d’Apple. D’ailleurs, de vous à moi, quand on relocalise une usine aux États-Unis ou en Europe, ce sont les machines et l’automatisation à outrance qui prennent le relais afin d’assurer la compétitivité !

Cela signifie que les relocalisations se font essentiellement sans création d’emploi. Le phénomène est donc bon pour les balances commerciales et les déséquilibres financiers mais peu ou pas favorable pour l’emploi.

Je vous propose donc cette traduction pour vous, et vous allez découvrir les conditions des travailleurs chinois, les différences, et ce que l’on attend de vous : vous taire et baisser vos salaires et autres avantages sociaux.

Charles SANNAT

De retour de son voyage, qui fut organisé par son école et l’association China’s Labor Watch, Zeng affirme qu’il est convaincu que les travailleurs américains ne peupleront pas les usines qui fabriquent les iPhones de sitôt.

Comment un étudiant d’une université américaine prestigieuse s’est-il retrouvé en Chine, assis sur son tabouret, à insérer les composants d’iPhones un à un ? Zeng a expliqué à CNBC sa décision de passer 6 semaines dans une usine à travailler 12 heures par jour du lundi au samedi, essentiellement durant la nuit, et ce qu’il a découvert dans l’aventure.

« Je me suis juste présenté »

Se faire engager dans une usine fabriquant des iPhones n’est apparemment pas du tout compliqué.

« Ils m’ont simplement fourni l’adresse de l’usine et je me suis rendu sur place, simplement. Lorsque j’ai vu une file avec des gens et leurs bagages, j’ai pris mon tour », a déclaré Zeng.

« Lorsqu’il est arrivé, on m’a demandé ma carte d’identité, de présenter mes mains et on m’a demandé de réciter l’alphabet anglais. J’ai ensuite été engagé. Cela a pris moins de 30 secondes. Pas besoin de défendre une candidature ou d’avoir des compétences particulières. »

Zeng s’est rendu dans cette usine car China Labor Watch y anticipait une grève. L’association désirait avoir des yeux sur place pour savoir exactement comment cela se passerait.

Si les salaires de Pegatron ne sont pas catastrophiques, l’usine est en train de réduire certains avantages offerts aux travailleurs, par exemple sur la nourriture, ce qui signifie en bout de course que le salaire baisse. Selon Zeng, Pegatron tente d’exploiter les failles du système pour faire des économies tout en respectant le Code du Travail. Zeng a également été témoin de plusieurs violations, comme les heures supplémentaires obligatoires, qu’il a dénoncées dans une lettre ouverte à Apple en mars.

Pourquoi c’est impossible aux États-Unis

Maintenant qu’il sait comment fonctionne une usine qui fabrique des iPhones, Zeng ne croit pas qu’Apple ou toute autre société sera en mesure de construire des usines compétitives aux États-Unis, peu importe les souhaits politiques.

« D’un point de vue du travail, la première chose qui me vient à l’esprit ce sont les salaires, qui sont inacceptables pour les travailleurs américains. À l’usine, je recevais un salaire d’environ 3100 yuans, soit 450 $ par mois. Je ne pense pas qu’une telle rémunération est acceptable pour les travailleurs américains sur base des conditions de vie et des prix ici », a-t-il déclaré.

« Même s’ils transfèrent les usines aux États-Unis, les travailleurs seront remplacés par des robots », a-t-il ajouté. Pegatron utilise déjà selon ses dires des robots pour monter les appareils photo des iPhones ou encore pour l’insertion de la batterie. Selon Zeng, les robots sont plus précis que les humains, alors que la précision est cruciale pour ces deux composants.

Selon lui, la seule raison pour laquelle la main-d’œuvre est encore employée est à chercher du côté du coût, encore inférieur dans certains cas.

« En Chine, on utilise la main-d’œuvre plutôt que les machines car les ouvriers sont moins chers que l’entretien des machines. Si vous déménagez les usines aux États-Unis, vous devez penser à la gestion des travailleurs », a-t-il expliqué.

Zeng n’a jamais assisté à la grève anticipée, mais il pense que ce genre de débrayage pourrait facilement avoir lieu aux États-Unis. « Il n’y a pas de syndicats en Chine, alors qu’ils sont puissants aux États-Unis, cela pourrait provoquer beaucoup de soucis à la direction. » Il a ajouté que les rotations importantes de personnel et le manque de leadership rendent les grèves très improbables en Chine.

« Le taux de rotation du personnel est très élevé, les gens s’en vont après deux semaines ou un mois. » (…)

Même la Chine devient trop cher

Simultanément, Zeng affirme que des usines commencent à voir le jour dans d’autres pays où le coût de la main-d’œuvre est encore moins cher qu’en Chine.

« La Chine se développe. Les prix de l’alimentation et de l’immobilier augmentent, donc les salaires doivent évoluer en conséquence. C’est le gouvernement qui définit le salaire minimum, donc le coût du travail augmente. Dans d’autres pays, comme au Bangladesh, les salaires sont vraiment bas. Ils ferment des usines en Chine pour les délocaliser où le coût de la main-d’œuvre est moins cher. Les usines étaient auparavant aux États-Unis, elles ont ensuite déménagé en Chine, mais maintenant elles sont délocalisées au Vietnam ou au Bangladesh. »

Si le président Trump veut que les iPhones soient fabriqués aux États-Unis, Apple devra répercuter l’augmentation du coût de la main-d’œuvre américaine, ce qui signifie que les consommateurs devront payer plus. Ou alors il faudra avoir recours aux machines, ce qui ne crée pas d’emplois. »

Article de Todd Haselton publié, sur Yahoo Finance le 30 avril 2017

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