le bull de la bourse de Wall Street

La situation des grandes banques est aussi dangereuse qu’elle était avant la dernière crise alors qu’elles militent pour la dérégulation.

Les six grandes banques américaines sont JP Morgan Chase, Bank of America, Wells Fargo, Citigroup, Goldman Sachs et Morgan Stanley. Malgré leurs lamentations à propos de la loi « haineuse » Dodd-Frank qui entrave leurs paris, récemment elles affichent toutes une excellente santé.

Depuis que Trump a été élu et a commencé à parler de dérégulation, le titre de ces 6 banques a grimpé en moyenne de 33,5 % (au 10 mars). Bank of America est la mieux lotie, avec une hausse impressionnante de 48,8 % de son action en trois mois, tandis que les titres de Goldman Sachs et de Morgan Stanley ont bondi de 36,6 %.

Bien sûr, la plupart des actions ont grimpé depuis l’élection, mais ne perdez pas de vue que la hausse du S&P 500 fut limitée à 10,9 % durant cette même période.

À part quelques exigences de capitalisation (principalement sous la forme de règles définies par Bâle III en provenance d’Europe), le besoin d’établir un « testament de vie » en cas d’une nouvelle urgence financière, ainsi que des garde-fous concernant les opérations de trading risquées, rien n’a vraiment changé à propos de ces banques.

Depuis la crise financière de 2008, les actifs de ces 6 grandes banques ont augmenté de 21 %, et pour les quatre plus importantes, de 25 %.

Aujourd’hui encore, des 544 trillions de dollars de dérivés notionnels, les six plus grandes banques américaines en détiennent 168 trillions. Si on met ce chiffre en perspective avec leurs actifs, il s’agit d’un effet de levier de 24. C’est à peine moins qu’à l’aube de la crise de 2008.

Les plus grosses banques sont toujours celles qui présentent le plus gros risque, notamment pour les actionnaires. Des fissures apparaissent déjà, si bien qu’il est clair que la prochaine crise n’est plus bien loin.

Échec aux stress tests

Selon la disposition II de la loi Dodd-Frank, le « testament de vie », les 6 grandes banques, ainsi que deux autres, doivent soumettre un plan visant à faire face à une urgence, un plan qui ne compte pas sur l’argent des contribuables.

En avril dernier, la dernière fois qu’il a dû être remis, 5 de ces 8 plans ne remplissaient pas les critères de la FED ET de la FDIC. Ces plans n’ont pas été jugés crédibles.

7 sur 8 ont au moins échoué à l’une de ces deux évaluations. Citigroup fut la seule banque qui fut reçue, même si des recommandations d’amélioration ont été faites. Jack Lew, un ancien haut cadre de Citigroup, était le secrétaire au Trésor de Obama lorsque ces évaluations ont été faites. Coïncidences… (…) Toutes les autres banques doivent rentrer un nouveau plan pour ce mois d’avril, notamment Wells Fargo, qui a échoué à sa seconde tentative en décembre 2016.

En raison de l’échec à ce test, il serait profitable pour l’administration Trump de se pencher en priorité sur le risque systémique et les banques Too Big To Fail au lieu de se focaliser sur les dérégulations. Il est de plus en plus probable que les Républicains, craignant une nouvelle crise durant leur mandat, et donc avant les prochaines élections, arrivent à cette conclusion.

Mais malgré ce contexte, l’administration Trump a mis la priorité sur la dérégulation en faisant passer 2 décrets concernant les régulations financières. Durant une réunion à la Maison-Blanche avec le gratin du monde des affaires, Trump a déclaré : « Nous devrions supprimer de nombreuses clauses de la loi Dodd-Frank, parce que franchement… des amis à moi qui avaient des affaires florissantes, ils sont dans l’incapacité d’emprunter. » Il a ajouté : « Ils n’ont pas accès à des fonds parce que les banques ne peuvent prêter en raison des règles de Dodd-Frank. »

Le niveau de crédit est toujours élevé

L’un des arguments principaux de Trump et de ses conseillers pour abroger en tout ou en partie Dodd-Frank (outre que la loi fut adoptée par l’administration Obama) est que la loi entrave le crédit, ce qui a handicapé la reprise économique.

Pourtant, durant les trois dernières années, les crédits accordés par les banques américaines ont connu une croissance de 6,9 % par an, d’après les statistiques de la FED. Entre 2000 et 2007, cette croissance fut fort similaire, à 7,9 %. Et on se souvient où cela nous a mené.

La dette en cours des sociétés non-financières est de plus de 13 trillions de dollars. Cela inclut trois trillions de dollars de dette émis depuis la ratification de la loi Dodd-Frank en juillet 2010. Mais pour être honnête, ces montants ne sont pas uniquement composés de crédits bancaires.

Vu que la FED a baissé ses taux jusqu’à zéro, le coût d’emprunt sur les marchés des capitaux fut très bas, ce qui a rendu les émissions obligataires très bon marché pour les entreprises. Mais même si une partie de la dette a été financée par les investisseurs, ce sont souvent les grandes banques qui ont organisé les émissions obligataires.

Les banques ont prêté aux entreprises environ 80 milliards de dollars par an. De plus, les entreprises américaines sont assises sur 2 trillions de dollars de liquidités qu’elles pourraient utiliser pour embaucher ou financer des stratégies de croissance. Au lieu de cela, elles empruntent pour racheter leurs actions ou payer des dividendes. Cela signifie que les banques balancent l’argent levé via le crédit ou la dette dans les marchés actions. De ce fait, elles les faussent. (…)

Comme vous l’avez compris, Dodd-Frank n’a pas entravé le crédit bancaire. Mais Trump, poussé dans le dos par les ex-Goldmanites Gary Cohn et Steve Mnuchin, continue de porter l’assaut.

Il est vrai que les banques doivent encore conserver certaines liquidités à la FED. Historiquement, ces réserves étaient très proches du minimum requis. Mais depuis la crise de 2008, elles ont explosé. Elles s’élèvent désormais à environ deux trillions de dollars. Cela signifie que ce n’est pas cette régulation qui entrave le crédit bancaire : ce sont les banques qui se limitent car elles craignent des défauts. Et elles ont raison de s’inquiéter, car ces défauts représentent le troisième indicateur montrant que la crise n’est plus bien loin.

Des défauts en hausse

Les statistiques de la FED prouvent que les crédits accordés aux entreprises furent importants, peut-être trop. C’est pourquoi la tendance commence à s’estomper. Nous avons connu un cycle d’expansion du crédit épique grâce à l’argent bon marché fabriqué par les banques centrales, des politiques monétaires ultra accommodantes, ce que j’appelle de « l’argent artisanal ». Mais les défauts et les retards de paiement sont en hausse.

L’année dernière, les entreprises ont enregistré leur 5e plus haut niveau de défauts annuels de l’histoire. D’après Forbes, 62 sociétés ont fait défaut sur 59,3 milliards de dollars de dettes, soit 57 % de plus que les 37,7 milliards de 2015. Il s’agit d’une tendance de mauvais augure.

Bank of America vient de révéler que les arriérés de paiement de 30 à 90 jours augmentent à nouveau de façon significative. On observe la même tendance chez Wells Fargo, où le taux de défaut sur les cartes de crédit est à un plus haut de 42 mois. Les pertes sur les crédits auto subprime sont à leur plus haut niveau depuis la crise de 2008.

Les banques qui ont accordé davantage de crédits hypothécaires pour de l’immobilier commercial vont désormais serrer la vis, de crainte de l’augmentation des défauts, comme ce fut le cas durant la dernière crise financière.

La prochaine crise est inévitable. Il ne s’agit pas de savoir si elle aura lieu, mais quand.

Article de Nomi Prins, publié le 5 avril 2017 sur le site de Crusoe Research

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