Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles est un europhile patenté et convaincu, ce qui n’est pas une critique, car si je suis anti-cette-Union-Européenne, il est évident que nous avons une destinée commune sur le vieux continent. Telle n’est pas la question, mais bien celle de quelle « Europe » nous voulons et j’insiste et je le répète, l’Europe n’est pas une idée figée ou unique. Il existe toutes sortes d’Europe possibles et le projet européen ne doit doit surtout pas se résumer à cette réalité incensée que deviennent nos institutions européennes actuelles, vendues au totalitarisme marchand le plus odieux, soumises aux lobbies.

Bref, suite au dernier sommet de nos mamamouchis européens, même un europhile comme Jean Quatremer ne cache plus son désarroi. Ses propos sont durs. Acerbes. Dépités. Une véritable déprime… qui me réjouit presque !

Quoi que nous pensions tous, pro ou anti, nous pouvons nous accorder sur un constat : l’Europe est dysfonctionnelle. Pour la réparer, il en faut plus… ou beaucoup moins en fonction des convictions.

Mais politiquement, si nous ne sommes pas capables d’en faire plus, alors le moins s’imposera. Et pour le moment, nous sommes bien incapables de plus. Donc l’Europe, sous sa forme actuelle, va s’effondrer. Le tout est de savoir si ce sera dans un vacarme… ou dans un murmure.

Charles SANNAT

« Malgré les efforts de Hollande et Merkel pour vendre l’image d’une concorde retrouvée, les dirigeants européens réunis ce vendredi en Slovaquie ont une nouvelle fois montré leur incapacité à se mettre d’accord, confirmant la paralysie de l’Union. »

« L’esprit de Bratislava », celui d’une Europe en bout de course

Tout un symbole : des journalistes parqués de l’autre côté du Danube, dans un immense hangar, pendant que les 27 chefs d’État et de gouvernement discutent à huis clos dans le château de Bratislava, en Slovaquie, à un kilomètre de là, protégés par un imposant dispositif policier. Une journée de réunions, ce vendredi, sans des Britanniques déjà sur la voie de sortie, et sans qu’aucune information ne filtre – et on peut faire confiance aux Slovaques pour s’assurer que les journalistes ne sortent pas du cadre. Il a fallu attendre les conférences de presse finales, en fin de journée, pour que chacun livre «sa» version du sommet à «sa» presse, souvent totalement différente d’un «chef» à l’autre au point qu’on a l’impression que 27 réunions parallèles ont eu lieu. Quand il s’agit de «rapprocher l’Europe des citoyens», «de resserrer les liens distendus entre l’Europe et les citoyens», «de prendre conscience de la défiance des citoyens», comme l’a gravement expliqué jeudi le chef de l’État français, les gouvernements savent décidément s’y prendre.

François Hollande et Angela Merkel, la chancelière allemande, qui ont tenu, pour la première fois depuis l’élection du premier, conférence de presse commune (limitée à deux questions par pays…), ont essayé de vendre un «esprit de Bratislava», celui de la concorde retrouvée entre l’Est et l’Ouest, entre le Sud et le Nord, entre les riches et les pauvres, entre les démocraties autoritaires et les démocraties libérales. Un beau conte de fées que Matteo Renzi, le Premier ministre italien, a fait immédiatement voler en éclats en déclinant toute conférence de presse commune avec le couple franco-allemand : «Je refuse de suivre un scénario visant à faire croire aux citoyens que nous sommes d’accord sur tout»… Et d’énumérer, parmi les principaux points de désaccord, les réfugiés et la politique économique, notamment allemande, etc. Même écho de Viktor Orban, le chef du gouvernement hongrois. Mais alors, que s’est-ll donc réellement passé au cours de la journée ? On ne le saura que lorsque le soi-disant «esprit de Bratislava» aura fait long feu…

Caricature de débat démocratique

Cette caricature de «débat démocratique» qui autorise tous les mensonges confirme que le problème central de l’Union est bel et bien le Conseil européen, l’instance suprême de l’Union, le lieu où les chefs d’État et de gouvernement dirigent dans le secret le plus total et en l’absence de tout contrôle démocratique, l’Europe. Pis : en trente ans, au fur et à mesure que le Conseil des «chefs» a affirmé ses pouvoirs, jusque dans les moindres détails techniques qui relevaient jusque-là soit de la Commission, soit des Conseils des ministres sectoriels, le secret entourant les délibérations des Vingt-huit s’est renforcé jusqu’à la caricature, en particulier sous l’impulsion des Français qui adorent les secrets d’État.

Si l’Union est «dans une situation critique», comme l’a déclaré Angela Merkel, est «menacée de dislocation», selon François Hollande, c’est en réalité à cause de l’incapacité croissante des Vingt-huit, ou plutôt des Vingt-sept bientôt, à se mettre d’accord sur le moindre sujet d’importance, au pire, ou même à parvenir à des compromis boiteux, au mieux. De la crise économique à celle des réfugiés, en passant par la crise de la zone euro, les politiques économiques, l’Union s’enfonce chaque jour un peu plus dans la paralysie. Pourquoi ? Parce qu’ils décident à l’unanimité. La soi-disant «Europe fédérale» qui dépossède les États de leur souveraineté dénoncée par les europhobes n’est en réalité qu’une Europe des États, celle que souhaitent justement ces mêmes europhobes : l’Union a l’apparence d’une fédération alors qu’elle n’est qu’une lâche confédération. Rien ne se fait sans les États ou contre eux, ce qui explique l’impotence imputée à l’Union par des gouvernements qui n’assument jamais ce qu’ils font ou ne font pas à Bruxelles et ne rendent aucun compte en tant que collectif de leurs décisions. Le Conseil européen, c’est la boîte noire de la démocratie européenne.

Bal des faux culs

Il faut imaginer des États-Unis d’Amérique dirigés par une assemblée des cinquante gouverneurs américains décidant à l’unanimité, où certains États n’appliqueraient pas telle ou telle politique, utiliseraient ou non le dollar, où un seul gouverneur pourrait bloquer une intervention militaire, et on aurait une idée de ce que serait la puissance américaine. Or c’est ainsi que fonctionne l’Union et l’on trouve encore des chefs d’État et de gouvernement pour s’étonner de la crise de confiance des citoyens.

 

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